Triangle-Astérides

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Thomas Couderc

01 juillet au 30 septembre 2014

Thomas Couderc est résident d’Astérides en 2014.

Thomas Couderc est en résidence à la Fonderie Darling (Montréal, CA), dans le cadre d’un programme d’échange avec Astérides.

Les œuvres de Thomas Couderc sont vitalistes, elles débordent d’énergie que le format qu’elles adoptent peinent à contenir.

Flirtant avec le dérisoire, ses propositions se manifestent le plus souvent en croissance, en expansion, en mouvement, dans la forme ou dans le fond. L’inachevé, l’épuisement, ou l’échec virtuel ne sont jamais loin, par delà le rythme effréné, l’hubris, l’énergie symbolique et/ou effective qu’elles déploient ou convoquent. Mais le miracle et la poésie non plus, jaillis précisément de ce déséquilibre entre les moyens et les énergies engagées et la finalité ou le résultat escomptés. Pour autant d’ailleurs que ceux-ci apparaissent clairement, ce qui est loin d’aller de soi.

Ce n’est donc pas un hasard si la sculpture mascotte qui accompagnait l’installation Pilote 00 qu’il vient de réaliser aux Ateliers Vortex à Dijon était un ours, fraîchement rebaptisé Timothy en hommage à Timothy Treadwell, l’écologiste américain, fanatique des ours et au destin fatal auquel Werner Herzog a consacré son film Grizzly Man. Inachevée, porteuse d’une croissance qui porte en soi la question de son achèvement et ou de sa finalité, la sculpture était constituée non sans ironie de boîtes de Frosties et d’autres céréales de croissance, pour partie vectorisées, pour partie re-customisées. L’installation proprement dite investissait dans l’ensemble de ses m3 la totalité de l’espace d’exposition à la façon d’une matrice difforme, invasive et énigmatique. Elle était constituée d’une accumulation d’objets-rebuts du quotidien, récoltés dans des déchetteries aux quatre coins de la ville, assemblés bout à bout, et délibérément repeints comme hâtivement et approximativement en blanc, de façon à entrâver telle une armature squelettique et labyrinthique la circulation des visiteurs dans l’espace d’exposition.

Un aspect spécifique des préoccupations de Thomas Couderc s’exprime dans LEPOPEE un protocole performatif développé en collaboration avec Teoman Gurgan. S’articulant à la façon d’un récit, LEPOPEE se décline en des installations performatives qui convoquent souvent l’idée de voyage et de loisirs, mais en requérant à chaque fois dans leur déploiement une énergie, un labeur sans commune mesure avec le résultat avoué ou escompté. Dans La mine de vers de terre réalisée dans le cadre de Mulhouse 2012, il s’agissait de convaincre une société à déplacer 100m3, id et 32 tonnes de terre végétale dans l’espace d’exposition, afin d’y creuser, le temps de cette dernière, une galerie de trois mètres de long afin d’y récolter des vers de terre avec lesquels symboliquement in fine aller à la pêche. Dans Les Vacances d’Automne, proposées dans le cadre de Riam 09, c’est un arbousier de la région de Nîmes que les deux artistes décidèrent de déraciner et d’emmener en vacances, en 4L et de le stationner, le temps de l’exposition, à Marseille. L’exploit, par de là la parabole du déracinement et de la recréation parfois difficile, mais nécessaire de nouvelles racines, résidait dans le fait de la faire survivre par hydroponie. A Dijon, l’épopée culmina dans l’exploit quelque peu spectaculaire de « marcher » sur de l’eau préalablement salée afin d’y pêcher le maïs devant servir au barbecue de la festivité organisée pour célébrer l’exploit. L’humeur des vidéos de Couderc semble a priori plus inquiétante. On y court souvent, parfois à perte d’haleine. Le plus souvent, elles mettent en images des séquences dynamiques, d’accélération, de fuite, de fuite en avant, de lutte ou de poursuite, comme dans Le Vallon où le regard implicite de l’artiste, objectif invisible de la caméra est poursuivi dans une improbable chasse à courre ou, plutôt, à pied, à corps et à cris par une bande de figurants dont on hésite à cerner les intentions.

La suspension du sens et du contexte, de la destination voire de la finalité de toute cette énergie qui s’exprime et se déploie devant nos yeux nous renvoie à des questionnements métaphysiques d‘une étrangeté qui n’est au fond qu’apparente.

Dans LOVE PROGRESS S01E03, la vidéo que nous présentons ici, la tension dialectique, oscillant entre les éléments disco et le dispositif ouvertement bricolé en guise de ring de boxe, cale d’emblée un décor mystérieux et suspensif.

Comme toujours chez Couderc, l’œil fait corps avec une caméra et plonge certes dans un décor typé, archétypal et délibérément forcé, théâtralisé encore par la bande-son réalisée par Simon Kozak, sans que ces artifices assumés ne démystifient ni ne désamorcent la tension du thriller existentiel « romantico-bidon » qui, pour reprendre les termes de Couderc, est censé s’y jouer.

Couderc joue en les accentuant sur les chiasmes perceptifs et narratifs, les disproportions et décalages d’échelle et de contextes, pour atteindre un climax par l’irruption progressive et surprenante de ces créatures que nous portons tous en nous - des vers de terre. Faux- fuyant, farce décalée, parodie douce-amère de l’existence, on vous laissera en juger. Le dispositif sculptural de monstration, à la fois absorbant, expansif et déstabilisant, retiendra le spectateur le temps qu’il faudra pour qu’il se fasse son idée.

Texte d’Emmanuel Lambion