Claire Tabouret
Claire Tabouret est une résidente d’Astérides en 2011.
Les peintures de Claire Tabouret se construisent dans une tension relative à leur stase, d’où sa prédilection pour les sujets qui lui permettent de confronter différents degrés d’actualisation de la figure. Sa représentation de maisons partiellement inondées oppose l’espace construit à l’espace liquide, leur forme arrêtée et terrestre, à celle, mouvante et dissolue, de leur reflet dans l’eau. Déployant un espace réflexif, elles confrontent différents degrés de visibilité. « Souviens-toi que tu es née liquide et que tu redeviendras liquide. »
Mais à l’instar d’autres peintres de sa génération, c’est dans l’image filmée que Claire Tabouret trouve cet « autre » de la peinture qui la nourrit. Des images prélevées de vidéos qu’elle réalise lors de ses traversées à pied de villes ou de campagnes, de préférence à la tombée de la nuit, matrice, comme l’eau, de tous les possibles. Ces « résidus diurnes » agissent comme un filtre qui fait taire les données immédiates de la perception, pour n’en retenir qu’une évocation lointaine de lumières et de masses aux contours indéfinis. C’est dans ce manque à voir que Claire Tabouret voyage mentalement, s’aveuglant pour mieux convoquer une mémoire d’affects et reconstruire un espace pictural dense.
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Éternellement liés à l’élément liquide où ils se meuvent, les vaisseaux fantômes que peint Claire Tabouret ne rentreront jamais au port. Ils rappellent le rêve du poète romantique, Novalis, qui écrivait dans son Hymne à la Nuit : « Faut-il toujours que le matin revienne ? Est-il donc sans fin, l’empire des choses terrestres ? ». Les paysages qu’elle retient dans le crépuscule sont troués de lacs sombres, masqués de rideaux de feuillages qui absorbent la couleur et retiennent la lumière, complices dans ce retardement de la vision ultime.
Texte de Marguerite Pilven
Six ans après sa résidence à Astérides, Claire Tabouret revient sur les oeuvres qu’elle y a produit pour l’exposition Claire Tabouret & Cash for Gold like Smoke for Mirrors and Land for Sea, 2017.