Triangle-Astérides

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Julie Michel

01 au 01 janvier 2016

Julie Michel est résidente d’Astérides en 2016. Les archives de Triangle-Astérides ne permettent pas de déterminer les dates exactes ni la durée de cette résidence en 2016.

« Mon travail établit pas à pas des paysages problématiques qui permettent de penser, de faire exister et de sentir d’autres rapports au langage et à la perception, en multipliant les modes de traductions.

Les recherches que je mène actuellement dans le cadre du projet BreathSound cherchent à frotter la question du langage et du son à celle de l’environnement, du territoire et du paysage et en explorer les rapports d’interdépendance.

Elles se déploient sous différentes formes : création sonore live, vidéo, installation, dessin. Un documentaire de création (audio) est en cours de réalisation (Les siffleurs dans l’espace).

Au départ, il y a la rencontre avec le Silbo langage sifflé sur l’île volcanique de la Goméra aux Canaries. Des vallées encaissées (barrancos), des corps soumis aux conditions d’une géographie montagneuse (Calima).

Sachant que la parole émise ne peut être comprise que dans les limites d’une distance raisonnables entre deux locuteurs, comment, malgré la distance et compte tenu de ce qu’il en coûte de se déplacer sur cette île, parvenir à communiquer ? En modulant les intonations rythmant la langue parlée par digitalisation. Littéralement. L’utilisation des doigts permet en effet de produire un sifflement suffisamment puissant pour être entendu et compris à plusieurs kilomètres de distance. La langue originaire, la prononciation de ses voyelles, consonnes, le chant de ses mots et phrasés se trouvent recodés. Le silbo n’est pas une langue mais bien une modulation particulière et située de la langue espagnole. Officiellement enseigné aujourd’hui dans les écoles de l’île, il permettait autrefois aux paysans de communiquer à large distance.

Le silbo installe aussi la communication entre humains dans un registre de fréquences également occupé par d’autres êtres… Une enfant rencontrée à la Goméra raconte que certains siffleurs, croyant être appelés par d’autres, ont été, en réalité, leurrés par des merles. Déployer cette anecdote, l’ouvrir à d’autres pratiques, à d’autres compétences et mettre en place des dispositifs qui rendent comptent des rapports qu’entretiennent oiseaux & hommes. Travailler autour d’objets médiateurs de ces relations (Alain Carpentras, fabricant d’appeaux, atelier des Castors, Sorgues). Compliquer les liens entre musique et langage et brouiller les relations entre musique humaine et musique animale (OiseauTale). Questionner la prémisse selon laquelle le langage serait le propre de l’humain pour l’ouvrir à d’autres règnes, d’autres rapports entre espèces. Poser la question de l’importance des interactions entre le monde humain et le monde non humain, qui, lorsqu’elles n’ont plus lieu, engendre l’appauvrissement voir la destruction des deux mondes.

Modulation et brouillage sont des motifs importants du projet. Ils cherchent à activer une certaine “écologie des sens” (D. Abram) qui renouvelle et enrichit l’interaction entre ces mondes. Sans doute cette écologie passe t-elle aussi par une redistribution des relations entre le visuel et le sonore .(Jeu1) et l’exploration de rapports synesthésiques entre ces deux modes perceptifs ((birds)flock).

Par ailleurs, je mène, dans le cadre du collectif NightOwl** créé avec Olivier Crabbé, un travail de recherche et de diffusion autour de l’œuvre de Knud Viktor, artiste danois souvent présenté comme un des “pionniers” de l’écologie sonore. Ce travail a donné lieu à Fais attention au sol sur lequel tu marches, sorte de fanzine sonore/ mix-montage qui permet de faire entendre son oeuvre et sa démarche. Cette activité d’écoute s’inscrit dans un projet de recherche plus large avec l’organisation d’un séminaire à l’ENSA Bourges et l’écriture d’un projet documentaire radiophonique qui se concentrera sur la ou les méthodes - techniques, artistiques et “éthologiques” - singulières mises au point par Knud Viktor pour déployer son travail ainsi que sur l’actualité et l’importance de celui-ci. Comme nous avons commencé à le faire avec Fais attention au sol sur lequel tu marches, nous emprunterons la notion d’éthopoésie (Vinciane Despret) pour voyager dans toutes ces dimensions et tenter de rendre compte au mieux de ce qui nous semble être une des grandes originalité de son travail : dans le même geste, mêler l’exploration “naturaliste” approfondie d’un territoire et la traduction/expression poétique des événements qui le peuplent. »
- Julie Michel, 2016

Le travail de Julie Michel est visible à l’occasion de l’exposition Actuellement en résidence #2 - Hasards Heureux, 2016.