Triangle-Astérides

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Thibault De Gialluly

01 au 01 janvier 2013

Thibault de Gialluly est un résident d’Astérides en 2013. Les archives de Triangle-Astérides ne permettent pas de déterminer les dates exactes ni la durée de cette résidence en 2013.

Thibault de Gialluly est né en 1987, il vit et travaille à Paris (FR)

Soyons désinvoltes, n’ayons l’air de rien

Quelques moments volés, quelques idées réalisées comme elles passent : dessins, collages, jeux de mots, prolongements dérisoires, mêlés 
à des photos de reportages. Puisque militer ce serait déjà s’inscrire dans un cadre politique,
 il n’affirme pas, mais toujours suggère, en
 « spectateur émancipé » pour qui l’efficacité n’est pas dans la frontalité mais l’infiltration ou le détournement.

Jouant du télescopage, surréaliste light à l’ère de l’altermondialisme, Thibault Scemama de Gialluly se tourne vers l’actualité pour en souligner (en pointillés, évidemment) la dimension tragique qu’y ajoutent les médias. Il affiche une maladresse feinte, naïveté surprise par la violence du réel. Ainsi, le vieux Monde accole une photo de groupe des dirigeants de 
la planète à une description de rencontre avec une tribu n’ayant jamais côtoyé la civilisation occidentale. Du tipp-ex, une coupure de journal et un bout de carton pour dire l’étendue du genre humain, des moyens dérisoires au service d’une réflexion abyssale.

Né alors que le mot « utopie » était devenu du vieux français, témoin des dérapages du capitalisme et du pouvoir auxquels il ne fait même pas semblant d’adhérer, il se joue des codes pour mieux en montrer l’arbitraire. Refusant la forme-tableau, l’esthétique de la-toile-qu’on-accroche-pour-vendre, l’œuvre finie, il laisse en suspens l’objet, mais aussi le sens : parfois évident, parfois résultant d’un enchaînement d’interrogations impénétrable pour le spectateur mais d’une grande force poétique. Les dessins sont d’une finesse de dentelle, les photographies portent la tension de l’instant sans en proposer de description, les collages sont doucement heurtés.

L’accrochage « en nuage » semble niveler la valeur des pièces, conçues comme des éléments d’une décoration murale. Des phrases proliférantes, aux écritures riches et variées évoquant aussi bien Jean-Michel Basquiat que David Shrigley, égarent plus qu’elles n’éclairent un lecteur qui ne demande que cela. Pourtant, ces blagues de potache résonnent d’une sourde angoisse, disent l’impossibilité d’accepter une société inégalitaire et cynique, autant fascinée par le luxe que par la violence. Il couvre des cahiers d’idées, annotations, remarques, qui parfois prennent corps dans l’heure, sont au contraire mûries, ou restent à l’état de griffonnage. Peu importe leur réalisation du moment qu’elles s’insèrent dans un flux en réaction à l’actualité. Qu’on y adhère ou non importe peu, du moment qu’un espace de réflexion et d’apparence se crée.

Il était courant chez les soixante-huitards clamant « sous les pavés, la plage » de moquer leurs propres enfants qualifiés de « bof génération », adeptes de la world culture, accro aux écrans. Pour l’amour du risque semble répondre ingénument « sous les sunlights, les pavés. ».

Texte de Sébastien Gokalp pour le Salon de Montrouge, 2012