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Nature as Infrastructure
décembre 2020

FIRE SEASON

David Lau

Lecture par David Lau

Dans le cadre du programme en ligne Nature as Infrastructure par The Winter Office.

David Lau présente une lecture poétique de l’une de ses œuvres récentes, un poème en plusieurs parties intitulé Fire Season. Cette lecture, filmée à Santa Cruz, en Californie, inclut des scènes de l’incendie CZU Lightning Complex, avec une vidéographie de Jake Thomas. Le poème explore l’imbrication des crises liées aux incendies, à l’économie et à la pandémie.

Paper Tigers: New Poems and Selected Prose de David Lau, qui rassemble des poèmes récents ainsi que des écrits critiques sur la littérature, la politique et le cinéma, sera publié par Really Simple Syndication Press en avril 2021.

FIRE SEASON

1
C’était en août 2020. Habitué à l’insomnie pandémique, je restais éveillé la nuit, regardant par la fenêtre les étoiles au-dessus de Santa Cruz. En gardant un silence absolu, je pouvais presque entendre les constellations faire jaillir des étincelles contre une nymphe—puis un bruit sourd, comme le vent qui se lève, survint soudainement. Un rare nuage arcus, rapide et roulant, traversa la fenêtre, suivi d’un orage sec aux mille éclairs sur les montagnes de Santa Cruz, sans presque aucune précipitation. Les éclairs qui suivaient le nuage roulé durèrent jusqu’à dix heures du matin. Les incendies rampèrent vers l’université pendant plusieurs jours. Nous avons évacué notre quartier, pris la route pour Los Angeles à la recherche d’un air plus pur. À notre retour, le ciel était orange intense, la fumée omniprésente, alors que les feux faisaient rage à travers l’État. Il fallut six semaines avant que je ne revoie les étoiles depuis une fenêtre. Imperturbables, elles avaient cette « résonance lumineuse au-delà de tout sens » (Jameson) dont le sonnet ptyx de Mallarmé donne un aperçu. Voilà le temps : cette anecdote de vision—fuite—retour—vision ; un collage d’instants disjoints, de peurs de la mort, de traits aimés et mémorables ; cosmique, historique, débordant à chaque instant.

2
La Highway One roussie orange je respirais

braises, tant de structures perdues

formes du tumulte brûlées

après deux siècles de constructions neuves

et de fêtes de masse

encadrés pour nous voir il ne reste

que dialectiques piratées, pièces détachées

petite ville dans la forêt vieille carte-mère

contre les roues souples nouvelle planche bombardée Western

leurs bateaux en bouteille biscornus, presque inutilisables

car là je me tenais

le contrepoint à dos brisé

avec le basso profundo du travail

aux portes du cimetière des rivières

les infrastructures de la nature, l’industrie humaine

où le mur écrit s’embrasait

apparition à la Ahed Tamimi dans l’air sec

tous, durs de cendre, observaient

la fumée couvrir les montagnes de Santa Cruz

elle se condensait en emblèmes

lignes de feu renforcées par des retardateurs

parmi les accélérants culturels

les collines sombres jadis vertes bleues même maintenant mémoire

combustible, séquoias bruns comme allumettes

creusés par les insectes, ancienne zone de coupe à blanc

collée de tracts et d’affiches, une autre

Colline des Héros quasi inaccessible ésotérique

sauf avec le fantôme

colonne de combattants angolais

renforcée par l’artillerie cubaine à Boony Doon

la force vitale que c’était

fut encerclée dans l’ultime instant

toute en flammes flamboyante tornade de feu

décadence scandaleuse contre le mur

graffito désormais “pas de balances neveu”

« Rien ne reviendra ici, de pire en pire, avec de moins en moins

d’entreprises capables de tenir bon. »

Ce qui est est en train de sombrer

la nation déplacée, 37 millions au Moyen-Orient

la nation était feu, possédée, tuée

le Taco Bell sur Pacific

son enseigne cassée violette

avec du Kush qui pue et une table de Food Not Bombs

sous une tente à l’ombre

tu ne pouvais pas faire tourner ces villes

associations vraies pour la frontière

quand le feu déterminait la nation

toi, homme des forêts

faiseur de perles en dents, chasseur de baleine blanche

le néant est venu ici pour nous presser

vamp-pie-are

il y avait partout

je déterrais Antigone

anéantissant méchamment la divinité

les frappes foudroyantes plénipotentiaires

le Poet and Patriot

s’est retiré de la production

je mer meurtrier du noir littoral

organisant les goulets d’étranglement

de la production plus sauvage encore, lynx

feux contrôlés

peloton d’exécution, le four

habile avec les loutres

toi ensuite tu brûles l’aloès

dans les hauteurs en butte sur le terrain de l’État

Quand le feu arriva je

sélectionnai l’interféron

destructeur et conservateur en oubliant certains

en me souvenant d’autres, moi-même usé par le vent

À la fenêtre de l’étage, je vis Mars Rouge

la planète desséchée de Kropotkine, la nuit

le capitalisme Covid c’était du papier toilette au carré

peur d’une telle chose

      *

Je suis tombé, puis remonté, chevauchant un tigre à travers l’Asie

pour disséminer les arts martiaux et financiers

les clichés se démodaient autour de nous

je restais local, dans les bulles

la moitié des petites entreprises disparue instantanément

après la décennie rouge suivant la crise financière

juste à l’extérieur de ses portes, en ville

l’homme du néant

est sorti avec des harriers contre

les marchands du discours fétichisé

peur, mort par lecteur de carte

je n’ai toujours pas intériorisé

le besoin de l’État dans les zones non incorporées

du comté de Santa Cruz, de la ville de Vernon

Salton Sea, Tehachapi, Tulare

la panique est venue, feu invisible, contagion

la production dissout la nature en sommes mises en conserve pour le travailleur

les lumières fluorescentes de l’enseigne Taco Bell sans inscription

la relation humaine à la nature, c’est l’industrie

l’association des travailleurs était une déviation liée

je chassais des événements inséparables

le feu et la maladie étaient des parts indivisibles

David Lau est un poète basé en Californie, originaire de Santa Cruz. Il est l’auteur des recueils Virgil and the Mountain Cat et Still Dirty. Ses essais ont été publiés dans New Left Review, Bookforum et Boom: a Journal of California. Il est co-rédacteur en chef de la revue littéraire Lana Turner.

Jake J. Thomas est un artiste multimédia travaillant dans le nord de la Californie.