Aurélien Louis
Cher Aurélien,
Oui, marcher dans les arbres ou dans la ville c’est égal. Mais marcher. La meilleure vision de ce monde, c’est dans les pieds que nous l’avons ( certains diraient des pieds ! }. Nous n’échapperons pas à cela. Nous n‘échapperons pas à nos pieds. Il suffit de se souvenir de sa propre enfance. Donc le point de vue de sirius est une illusion…une construction mentale qui nous propulsent dans les airs mais en nous sectionnant nos pieds. Et c’est une pluie, un orage de pieds sur la terre. C’est un carnage de pieds et l’hémmoragie du monde est en cours pour la noyade. Alors oui, marcher dans nos pieds.
Avec celui qui écoute
Lire, c’est remettre en bouche l’écriture. La reprendre où on l’avait laissée, pour la remettre solidement en bouche - en espérant que le public en fasse autant ! -, Nous voulons revivre et faire revivre ce qui a été écrit. Ainsi en lisant, je découvre - de par l’écoute attentive ou pas - d’autres interprétations et d’autres correspondances. Je découvre parfois, entre l’auditoire et moi, des mots aussi morts que le papier ! En lisant, le public me renvoie ce qu’il entend du texte. Et moi-même je peux réentendre ce texte… Au mieux, l’entendre pour la première fois ! Lorsque je quitte la page de lecture pour respirer en dehors des mots, je peux voir et sentir sur le visage de chacun des auditeurs la réception unique de ma lecture. Ce qui confirme ma solitude et mon appartenance aux mots de tous ! Ce qui confirme que ma langue - étrangement - n’est pas celle du voisin. Nous ne possédons en commun que ses silences profonds - alliages de tous les possibles ! -. Alors que nous sommes tous des étrangers à notre propre langue, celle de l’autre ! Pour lire il nous faut retrouver le premier sentiment - cet état si particulier - de ce qui nous poussa à écrire. Parfois, l’on perçoit dans cet échange, la confirmation du temps retrouvé de l’écriture. Alors la bouche écrit. Avec celui qui écoute ! Extrait de correspondance | Octobre 2003 | Joël Bastard